L’intelligence végétale

Sylvie Mireault, naturopathe-herboriste

Peut-on vraiment parler d’intelligence végétale ? Si on définit l’intelligence comme étant la capacité de résoudre des problèmes, alors, oui, on peut certainement parler d’une intelligence des végétaux. C’est sur l’apex racinaire, soit la pointe de chaque racine, que l’on observe le mieux certaines caractéristiques de l’intelligence, telles que la perception des stimuli environnementaux et un certain pouvoir de décision et d’organisation. Darwin affirmait qu’il n’y avait pas de différence notable entre le cerveau d’un animal inférieur, comme le ver de terre par exemple, et l’extrémité d’une racine. Nous pouvons confirmer aujourd’hui que l’apex racinaire peut assimiler des paramètres physiques et chimiques transmis par son entourage. Ces données lui servent à guider leur croissance et leur connaissance du terrain dans leur recherche d’eau, d’oxygène et de nutriments. Après avoir évalué de nombreux paramètres, (gradients chimiques, présence de substances toxiques…) l’apex guide la racine en fonction des besoins de tout l’organisme végétal concerné, elle sait en outre contourner de nombreux obstacles et lutter contre les parasites.

Tel un centre d’élaboration de données, l’apex fonctionne en réseau avec des millions d’autres, leur totalité formant l’appareil racinaire de la plante. Ensemble, les apex racinaires forment un réseau susceptible d’obéir à un fonctionnement collectif, se comportant à la manière d’un essaim ou tel une colonie de fourmis. Les plantes ont ainsi élaboré une forme d’intelligence distribuée, manifestant des comportements émergents. Toute plante devient à elle seule, un essaim entier…

La compréhension de l’intelligence végétale pourrait par ailleurs transformer notre regard sur nos propres facultés mentales. Le sommeil figurant parmi les composantes essentielles de la vie, les plantes savent adopter pour leurs repos une posture particulière selon leur espèce. Les botanistes nomment « myctinastie » cette capacité de certaines plantes à modifier la position diurne et nocturne de leurs feuilles et de leurs fleurs. Pour son repos, l’épinard redresse ses feuilles vers le sommet de sa tige, l’impatience et le haricot les fléchissent vers le bas, tandis que le trèfle, comme le lotier corniculé, les regroupent autour de leurs feuilles. Les multiples positions nocturnes obéissent à une loi générale : les feuilles ayant tendance à reprendre la position qu’elles avaient dans le bourgeon, un retour en une forme de « position fœtale » évoquant leur immersion dans un inconscient collectif…

Il est intéressant de noter un autre parallèle : toutes les plantes se disposent durant leur sommeil de la même façon qu’au cours de leurs premières phases de croissance. Pour les végétaux comme pour nous, la propension au sommeil est très forte durant la jeunesse, en vieillissant les difficultés d’endormissement s’accroissent !

Bouddha dans des racines de palmier

L’électricité végétale se compare à l’électricité animale, même si la première ne se transmet qu’à la vitesse de 2,5 cm par seconde. (L’électricité animale circule dans les nerfs à peu près mille fois plus vite.) Parce que les plantes sont dépourvues de neurones, elles se servent de nombreuses substances chimiques distinctes et de divers mécanismes encodés dans les génomes végétaux, contenant fréquemment plus d’ADN que le notre. Elles parviennent à percevoir des signaux que l’on pourrait qualifier de visuels, sonores, tactiles, auditifs et gustatifs ainsi qu’à savoir ce qu’elles doivent faire, ce qui n’est même pas l’apanage de beaucoup d’entre nous…

Les animaux et donc les humains utilisent la matière et l’énergie produites par les plantes pour combler leurs besoins. Ce qui signifie que nous dépendons des plantes, qui servent d’intermédiaire entre le soleil et le monde animal. Les chloroplastes en particulier constituent le trait d’union entre toutes les activités du monde organique, donc de toute vie sur terre, et en constituent le cœur énergétique. Les plantes exercent une fonction indispensable à la vie de notre planète, ce qui n’est pas nécessairement le cas de toutes les espèces animales.

Les cellules dont nous sommes composés remonteraient à l’origine de la vie. Darwin ne cessa jamais d’affirmer que toutes les créatures vivantes descendent d’un ancêtre commun et que nous sommes en ce sens tous liés les uns aux autres. Il a montré en outre que l’évolution ne s’interrompt jamais, ne se répète à aucun moment et ne fait nullement marche arrière : il a témoigné de l’irrévocabilité d’une extinction. Ainsi si une seule branche est coupée, une trajectoire évolutive particulière est perdue pour toujours. Si le débat sur les droits des plantes n’en est qu’à ses balbutiements, il devient urgent de protéger les espèces végétales pour assurer notre propre survie…

Pour plus de renseignements, visionner cette vidéo : https://www.ted.com/talks/stefano_mancuso_the_roots_of_plant_intelligence

  

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