Les plantes thérapeutiques des sorcières

Sylvie Mireault, naturopathe-herboriste

Dans l’Europe médiévale, à 90% rurale, la forêt et les champs étaient des lieux propices à la cueillette de plantes médicinales, pour composer des recettes traditionnelles, transmises de génération en génération. Les symboles magiques ou religieux participaient aussi à la guérison de nombreux maux. Mais en cas de maladie grave ou d’accident, la population se confie aux empiriques, ces guérisseurs et guérisseuses de proximité, ayant développé leur savoir par l’expérience, la transmission familiale ou la pratique de leur spécialité, comme par exemple, les ventrières, chargées de la grossesse, de l’accouchement et de ses suites.

Marguerite Porete

Ces empiriques utilisaient des légumes (ail et oignon en infusion ou en cataplasmes), des plantes, (armoise, bétoine, sauge…) des fruits, des fleurs, des pierres et des animaux. Ils se servaient même d’excréments d’animaux ! Ironiquement, il s’avère que la médecine moderne utilise actuellement des banques de selles, fournies par des donneurs rémunérés, pour traiter certaines maladies du système digestif, comme le Clostridium difficile. La transplantation fécale fonctionne à plus de 80%, chez la minorité de malades, 20 % environ, qui n’ont pas été guéris après l’administration de fortes doses d’antibiotiques…

Durant les plus fortes périodes de crise sociale et religieuse, toute femme, qui vit seule et connait les plantes ou la magie, est perçue comme une menace et devient éventuellement passible de sanctions, ou même du bûcher. Par exemple, en 1391, à Paris, une guérisseuse très appréciée de ses malades, aurait avoué sous la torture avoir pratiqué des rituels magiques.

Du XIIe au XIVe siècle, des communautés de femmes, comme les béguines, vivaient en dehors des formes canoniques de la vie religieuse et œuvraient entre autres, à soigner les plus démunis. L’indépendance originale des béguines, voulant connaître Dieu sans intermédiaire, les rendait particulièrement vulnérables aux procès ecclésiastiques. La grande mystique Marguerite Porete, qui fut désignée comme béguine, mourut sur le bûcher, le 1er juin 1310, à cause de son bouleversant livre, « Miroir des âmes simples et anéanties », qui dépassant la vertu et la morale, sera perçu comme une opposition à la doctrine de l’Église…

Parmi les remèdes des sorcières encore en usage aujourd’hui, on retrouve les plantes suivantes :

Les balais formés des branches flexibles du Genêt à balai pouvaient servir d’arme pour les femmes voulant sortir de la maison en relative sécurité. L’effet psychotrope des terminaisons florales pourrait expliquer le mythe de la sorcière volant sur son balai. La plante était utilisée pour ses propriétés diurétiques et purgatives et pour éviter les saignements après l’accouchement.  On sait aujourd’hui que le Genet contient un alcaloïde abaissant le rythme cardiaque et des isoflavones favorisant l’ovulation. Il est cependant à proscrire pendant la grossesse et en cas d’hypertension…

À base d’Asaret, le célèbre remède de sorcière connu sous le nom de poudre de Saint-Ange, circulait à l’insu des Inquisiteurs, car il était reconnu maléfique à cause de l’ajout d’Hellébore ou Rose de Noël, toxique même à faible dose, et de poudre de crapaud, composant un émétique puissant, mais qui aurait sauvé bien des vies, en combattant des empoisonnements causés par une nourriture souvent avariée.

De nos jours, les herboristes utilisent 5 à 10 gouttes, au maximum, de T-M d’Asaret comme apéritive et digestive. En homéopathie, Bufo rana, un crapaud, traite principalement l’épilepsie…

Genêt à balai Cytisus scoparium  / Hellébore ou Rose de Noël, Helloborus niger

La Rue (Ruta graveolens), un stimulant utérin, était employée pour provoquer les menstruations.  Toxique à forte dose, on l’utilise aujourd’hui à faible dose pour régulariser l’apparition des règles. En Europe, on s’en sert encore pour soigner les pathologies aussi diverses que les parasites intestinaux, la colique, le vertige, l’épilepsie, voire la sclérose en plaque… En usage interne, elle est photosensibilisante, donc il faudra éviter une exposition au soleil pendant son usage…

Les sorcières et sorciers sont inséparables du monde animal et de la corporalité, c’est pourquoi on a cherché à les éliminer. La chouette, un animal libre et intelligent, capable d’échapper à la capture, symbolise l’indépendance de la sorcière. Chouette et hibou restent encore très présents dans les rituels des sorcières de la Wicca. Un célèbre slogan de la fin des années 1960 affirmait que « Nous sommes les petites-filles des sorcières que vous n’avez pas réussi à brûler ». Ainsi s’est imposée l’image d’une femme libre, anticonformiste, sorcière savante, puissante et politisée.

N.B. : À cause de leur toxicité, ces plantes, qui étaient utilisées par les sorcières au Moyen Âge, sont aujourd’hui à utilisation restreinte. Consultez votre spécialiste de la santé avant tout usage.

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