Les jardins botaniques et médicinaux

Sylvie Mireault, naturopathe-herboriste

Les jardins botaniques et médicinaux nous ramènent au cœur de notre culture, celle de cultiver la terre pour nous nourrir et nous soigner, comme celle de nos usages, de nos coutumes et de nos nombreuses manifestations artistiques et scientifiques. De plus, ces jardins racontent une part importante de l’histoire des Premières Nations, des sœurs hospitalières et des premiers colons, suscitant l’intérêt des amoureux des plantes rustiques ou médicinales. Certains jardins mentionnés ici sont très vastes, d’autres petits, mais tous valent la peine d’être visités…

La Maison Saint-Gabriel (à pointe St- Charles) fut achetée par Marguerite Bourgeois en 1660 pour accueillir les filles du Roy, les premières femmes venues de France pour s’établir au pays. Cette très ancienne ferme de Montréal, devenue musée d’histoire et de jardins, constitue un précieux vestige du régime français au Canada. Une visite guidée du Jardin de la métairie nous permet de découvrir l’évolution du domaine agricole depuis le début de la colonie.  On découvre comment les premiers colons utilisaient les plantes pour se soigner et le rôle des femmes autochtones sur notre alimentation et l’usage de plantes médicinales indigènes.

Le Château Ramezay (Vieux-Montréal) fut construit pour Claude de Ramezay, arrivé à Montréal en 1705 à titre de nouveau gouverneur de la ville. Le domaine s’étendait sur 4,200 m2, comprenant un verger, un potager et un jardin d’agrément. Bien que maintenant plus modeste, le Jardin du Gouverneur utilise des plants très proches du jardin de style français de l’époque, avec les même 3 secteurs. Le pourtour du jardin est composé d’herbes aromatiques et médicinales distribuées librement. Une fontaine rappelle qu’une source d’eau était nécessaire…

Le Jardin botanique de Montréal ouvre en 1938, offrant au public les beautés du jardin des plantes annuelles et celui des espèces économiques. Toute l’énergie du Frère Marie-Victorin se consacre à son projet de grand jardin après la publication de sa Flore laurentienne, parue en 1935. « Après le grand livre de papier, le grand livre de fleurs », disait-il. Le Jardin botanique de Montréal est aujourd’hui l’un des plus importants au monde, avec ses 10 serres, un pavillon d’arbres et plus de 20 jardins thématiques sur 75 hectares. Parmi ceux-ci, mentionnons le Jardin des plantes médicinales comptant près de 90 taxons. Les étiquettes des plantes sont accompagnées de textes explicatifs. le Jardin de monastère, inspiré des jardins monastiques de l’époque médiévale, avec son puits central et ses parterres symétriques. Le Jardin des plantes toxiques, comme le sumac vénéneux (l’herbe à puce), la ciguë et le ricin, celle-ci étant à la fois une plante ornementale, médicinale (huile de ricin) ou toxique, car l’ingestion de seulement 2 graines suffit à tuer un adulte. Pensez à vos enfants avant de planter un ricin dans votre jardin !  Le Jardin des Premières Nations aménage plutôt une toundra, une forêt laurentienne et de conifères…

Ricin Ricinus Communis et Capillaire du Canada Adiantum pedatum

Au monastère des Augustines, le Carré d’apothicairesse à l’Hôtel-Dieu de Québec évoque le premier jardin médicinal de la Nouvelle-France, avec 23 plantes médicinales utilisées par les Augustines et par le couple de premiers colons, Louis Hébert (apothicaire) et Marie Rollet (enseignante), installés au pays en 1617. Cette cour carrée comprend des plantes utilisées en France à cette époque et des plantes indigènes, grâce au savoir des Premières Nations. On y retrouve entre-autre le houblon, la guimauve, la rhubarbe, le gingembre sauvage, le tabac rustique, la sanguinaire, l’ancolie et le capillaire du Canada. Les Amérindiens utilisaient cette dernière pour soigner les maladies pulmonaires, elle fut exportée en France où elle connut un grand succès, jusqu’à la cour du roi Louis XVI.

Le Domaine Joly- De Lotbinière (à Sainte-Croix) se compose de grandes plates-bandes avec un potager à l’ancienne, un jardin de fleurs et un jardin des sens, inspirés des jardins médicinaux de l’époque médiévale, de même qu’un aménagement de plantes alpines et qu’un jardin méditerranéen… Tous les plants sont bien identifiés par un système de numérotation, que l’on retrouve dans un dépliant remis à l’entrée.

Le Parc Marie-Victorin rend hommage au grand botaniste que fut le Frère Marie-Victorin (1885-1944), dans sa ville de naissance, Kingsey Falls dans les Cantons de l’Est. Des structures végétales tridimensionnelles, en lien avec ses nombreux voyages, parsèment ce jardin botanique, avec entre autres une mosaïculture de 6 mètres, composée de 13,400 plants représentant ce géant national. En plus des mosaïcultures, on y parcoure 6 jardins merveilleux (avec ses 60,000 annuelles et ses conifères rares), une serre tropicale, un sentier des curiosités et un potager…

Le Jardin Orford, situé aux abords du parc national du Mont Orford dans les Cantons de l’Est, propose des jardins éducatifs et écologiques sur l’herboristerie et la permaculture. On y cultive une grande variété de plantes comestibles, de fines herbes et de plantes médicinales…

La Seigneurie de l’Ile d’Orléans : comprend un jardin enivrant des 5 sens (fleurs, conifères, ruisseau…), un jardin fruitier, un jardin d’ombre, un jardin japonais et une forêt nous conduisant à un panorama magnifique sur le fleuve… Avant la saison des récoltes, on peut aussi visiter la Lavanderaie, comprenant 75,000 plants. (Surveillez donc les dates de visite en juillet.)

Lavande vraie Lavandula officinalis

Les espaces Bleu lavande (à Magog) avec ses sentiers d’odeur apaisante d’un kilomètre, produisent aussi une huile essentielle de Lavande vraie, celle-ci étant très appréciée pour les propriétés thérapeutiques exceptionnelles de cette plante, à la fois antispasmodique, calmante, sédative, antidépressive, cicatrisante, antalgique, hypotensive et antimicrobienne…

Les Jardins de Métis (à Grand-Métis en Gaspésie) : ces jardins à l’anglaise sont le fruit d’Elsie Reford, qui, entre 1926 et 1958, transforma son camp de pêche en jardin botanique et lieu historique national. Avec ses 3,000 variétés de plantes indigènes et exotiques comme le fameux pavot bleu de l’Himalaya, et ses jardins contemporains imaginés par des artistes du monde entier, les Jardins de Métis sont considérés comme une merveille du Québec et l’un des plus grands jardins en Amérique du Nord.

Le Jardin de plantes médicinales La Clef des Champs (à Val-David) s’avère, avec ses visites guidées, un incontournable pour toute personne amoureuse de l’herboristerie. Fondé vers la fin des années 70 par Marie Laberge, qui a amplement contribuée à la crédibilité de la profession d’herboriste avec la culture biologique d’un grand nombre de plantes médicinales. Ses produits d’herboristerie sont approuvés par Santé Canada, répondant à toutes les exigences requises (avec un numéro NPN) prouvant leur efficacité, leur sécurité et leur qualité.

Les Mosaïcultures (au parc du Bois-de-Coulonge à Québec), sous le thème Il était une fois…la Terre, présentent jusqu’au 10 octobre, de remarquables œuvres d’art horticole. Le parcours de ces œuvres végétalisées tridimensionnelles géantes se déroule comme suit :  la résidence du lieutenant-gouverneur, le monde polaire et marin, les espèces menacées de la planète, une ferme et un hommage à la Nation huronne-wendate, avec la magnifique œuvre appelée Terre-Mère et 85 cercles où sont plantées les trois Sœurs, soit le haricot, le maïs et la courge… Ces 3 légumes sont cultivés depuis très longtemps ensemble, de manière ingénieuse par les peuples des Premières Nations : le maïs sert de tuteur aux haricots et protège le potager contre le vent, les haricots fournissent de l’azote au maïs et aux courges, ces dernières maintiennent le sol frais et empêchent une trop grande évaporation…

Que nous vivions en ville ou à la campagne, les jardins nous permettent de rester près d’une nature ayant conservée la richesse de sa grande biodiversité. Lieux de mémoire et d’ingéniosité, ils sont une source inestimable de beauté et de réconfort. Pour faire un beau voyage, il suffit de les inclure dans notre parcours. Des activités se déroulent tout au long de l’année dans certains grands jardins, comme le Jardin botanique de Montréal. Enfin, peut-être ferez-vous partie d’une relève en créant un nouveau jardin botanique ou en cultivant des plantes médicinales à petite ou à grande échelle. À nous de planter nos choux et nos plantes chouchous, ne serait-ce que sur notre balcon !

D’ici l’équinoxe d’automne (le 20 septembre), bonne fin d’été et bonnes visites de jardins !

@ L’Académie HerbHoliste 2022