Nos ancêtres apothicaires

Sylvie Mireault, naturopathe-herboriste

J’aimerais profiter de l’occasion pour rendre hommage à nos ancêtres apothicaires de la Nouvelle-France, trop peu connus pour l’apport considérable qu’ils nous ont légué. Géographe d’Henri IV, roi de France, Samuel de Champlain remonte en 1603 le fleuve Saint-Laurent, nommé « Moliantegok » par les Abénaquis, et débarque à Stadacona (ville de Kébec). En 1617, il persuade l’apothicaire parisien Louis Hébert de s’y implanter avec sa femme Marie Rollet et leurs enfants. Hébert devient le premier colon et seigneur de la Nouvelle-France.

Hébert se retrouvant sans médicaments, s’intéresse aux remèdes autochtones et introduit dans son jardin des plantes apportées par les Amérindiens. Il tente de les identifier et les compare aux plantes qu’il connaît. À l’occasion, Champlain fait découvrir à son ami Louis des plantes qu’il rapporte des Grands Lacs. Champlain, reconnu à juste titre comme le fondateur de la Nouvelle-France, s’avère de plus un horticulteur hors pair. De nombreuses roses poussent dans son jardin du Cap Diamant. Agriculture Canada lui dédie d’ailleurs une espèce : Rosa Champlain. 

Puis Champlain propose une autre plante à Hébert : la « pomme de mai », qui lui a été fournie par ses amis Hurons. Originaire d’Amérique du Nord, elle porte le nom scientifique de Podophyllum peltatum. Selon Marie Victorin cette plante de la famille des berbéracées serait abondante en Ontario. Le podophylle et sa résine sont toujours considérés comme des agents caustiques destinés à éliminer les verrues, en particulier les condylomes. Depuis 1976, on utilise en médecine 2 dérivés de la podophyllotoxine contre certains types de cancers, mais déjà Pline l’Ancien (29-79 après J-C) mentionnait cette activité anticancéreuse du podophylle.

Les religieuses ont également joué un rôle majeur dans la pharmacopée du pays. À ce titre, l’Hospitalière Marie-Andrée Duplessis de Sainte-Hélène (1687-1760) participe à la rédaction des annales de l’Hôtel-Dieu de Québec. Supérieure des Augustines, sœur Sainte-Hélène apprend des Ursulines a utilisé un formulaire (recueil de médicaments), composé en 1675 par mère Marie de la Chasse et constituant la première pharmacopée canadienne. Sœur Sainte-Hélène commande aussi certains médicaments auprès d’un célèbre apothicaire de Dieppe : Jacques-Tranquillain Féret, comme la très prisée eau vulnéraire, une solution alcoolique d’une trentaine de plantes médicinales incluant la grande consoude.

De plus les religieuses lui réclament « l’emplâtre divin », une panacée pour l’époque. L’emplâtre, un médicament de type onguent qui adhère à la peau sur laquelle il est appliquée, exige une préparation longue et complexe. Il faut chauffer et mélanger de nombreux ingrédients. La pâte obtenue est pétrie et roulée sur une table aseptisée avec du vinaigre. Les rouleaux obtenus, appelés magdaléons, sont enveloppés dans du papier pour les conserver. Pour donner une idée du contenu, Féret pouvait réduire en poudre diverses gommes-résines : galbanum, myrrhe, bdellium, oliban et l’opoponax. On ajoute l’aristoloche contre les morsures de serpent, et le mastic, soit la résine du pistachier. Enfin on incorpore un aimant, une pastille à 2 faces employée contre les douleurs articulaires, dont le pôle sud exerce une activité antalgique et le pôle nord une action décontracturante. Cet emplâtre servait à la guérison de toutes sortes de plaies, des brûlures, des enflures et empêchait les gangrènes. On prescrivait ce remède miracle pour son pouvoir fortifiant au niveau des nerfs : il faisait disparaître les migraines, les vertiges et les rages de dents…         

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Asclepias syriaca

L’activité des sœurs Hospitalières et des Jésuites missionnaires fût  de la plus grande importance pour le développement de la médecine de l’apothicairerie en Nouvelle-France. De nos jours, les herboristes tiennent compte  non seulement de la botanique, mais des molécules biochimiquement actives des plantes recommandées, de leurs valeurs thérapeutiques  et de leurs innocuités…      

 

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