Les plantes magiques des sorcières

Sylvie Mireault, naturopathe-herboriste

Au Moyen-âge, soit du Ve au XVe siècle, la sorcellerie fait partie de la vie quotidienne en Europe majoritairement rurale. Les sorciers et sorcières sont aussi appelés mages, guérisseurs, rebouteux ou devins selon leur spécialité. Dans un village, la « sorcière » aide les femmes à accoucher et peut composer des potions contraceptives ou abortives. Ses connaissances des plantes médicinales basées sur une longue expérimentation, s’avèrent très précieuses pour soigner divers malaises et blessures dans cette période sous-médicale.

John William Waterhouse, Le Cercle magique

Au XIIIe siècle, l’Église catholique romaine fonde une juridiction d’exception, la fameuse Inquisition, pour lutter contre l’hérésie. Au XIVe siècle la sorcellerie commence à être assimilée à une forme d’hérésie particulièrement diabolique. Les paysans avaient traditionnellement recours à une panoplie de rituels et de recettes protectrices transmises oralement, surtout par les vieilles femmes dans cette société massivement analphabète. C’est peut-être cette vision magique de l’existence qu’à voulu détruire l’Église. À partir du XVe siècle, ce sont en grande majorité des femmes qui sont jugées, ces « diablesses domestiques prédestinées au mal ».

Au XVIe siècle, les traités de démonologie établissent un lien entre sorcellerie et sexualité. Les sorcières sont alors accusées de toutes les ignominies sexuelles, lors de sabbats imaginés par les démonologues. Alors que la Réforme donna naissance au protestantisme, l’Église de la contre-réforme voulut reprendre le contrôle des campagnes, en brisant par la terreur la protection magique des communautés rurales.

Cependant, contrairement aux idées reçues, à l’apogée de la grande chasse aux sorcières, entre 1570 et 1630, ce sont des juges laïcs, et non le tribunal de l’Inquisition, qui brûleront  le plus grand nombre de sorcières, principalement des femmes seules, pauvres, vieilles et souvent guérisseuses, servant de boucs émissaires faciles à piéger, pour soit disant rétablir l’ordre social, dans une période d’instabilité religieuse et politique.

Dans les grimoires des sorcières, on retrouve les plantes suivantes :

La Mandragore ou « Main-de-gloire » : Mandragora officinarum étant toxique, son usage interne est à proscrire, sauf sous forme homéopathique pour combattre l’asthme et la toux. Hildegarde reconnaissait son pouvoir magique de combler les désirs bons ou néfastes. Sa forme anthropomorphe contribuait à sa réputation de plante magique, et on s’en servait depuis l’Antiquité comme talisman pour favoriser la fertilité des femmes et pour repousser le mauvais sort. Sa racine dotée d’alcaloïdes à noyau tropane lui confère des propriétés narcotiques et anesthésiques. La tisane de feuilles et de racines excite, d’où sa réputation d’aphrodisiaque, puis engendre la torpeur… Herbe des sorcières par excellence, elle était sensée les faire voler dans les airs… en raison de ses effets hallucinogènes ! Le Tribunal de l’Inquisition ne pouvait croire qu’une jeune paysanne comme Jeanne d’Arc ait pu vaincre à plusieurs reprises les troupes anglaises sans l’aide de Satan. On la presse de questions, lui demandant entre autres : « N’avez-vous pas utilisé de la mandragore, dont la racine évoque le sexe masculin ? »  En 1431, ce procès éminemment politique, conduira la Pucelle au bûcher sur la place du marché de Roue…

Mandragore Mandragora officinarum

La Belladone ou « belle-dame » (Atropa belladonna) : Atropa, vient d’Atropos, la déesse du destin, tranchant le fil de la vie, allusion faite à la nature toxique de la plante. Les Italiennes élégantes s’injectaient du jus de belladone dans leurs yeux pour les faire briller, d’où le nom de « Belladonna » (belle dame). On en tire un extrait qui dilate la pupille, aujourd’hui destiné aux examens ophtalmiques. Les racines et les feuilles sont narcotiques et sédatives. Hildegarde de Bingen l’appliquait en onguent pour soigner les plaies. On l’utilisait  au Moyen-âge dans certaines pratiques de magie. En homéopathie, elle traite les infections avec inflammations…

Les sorcières utilisaient également d’autres plantes toxiques, telles que la Digitale pour les sabbats, ou la Bryone pour ses propriétés magiques. Nous verrons prochainement des plantes non-toxiques des sorcières, cette fois-ci encore utilisées par les herboristes d’aujourd’hui…

Joignez-vous à nous pour les mini-cours grand public
@ L’Académie HerbHoliste 2021-2022