La communication entre plantes et animaux

Sylvie Mireault, naturopathe-herboriste

Lorsqu’un insecte s’installe sur une plante pour y dévorer une feuille, le végétal sécrètera des substances dissuasives sur la feuille attaquée. Si l’insecte persiste à manger ses feuilles, la plante dégagera alors des matières chimiques sur toutes ses feuilles et alertera de plus les plantes voisines grâce à des signaux chimiques diffusés dans l’atmosphère, pour qu’elles agissent de la même façon.

Toutefois, de nombreuses plantes utilisent des insectes antagonistes de leurs agresseurs en exhalant des substances volatiles. Par exemple, lorsque le haricot de Lima est attaqué par le très vorace acarien appelé Tetranychus urticae, le haricot riposte en émettant un cocktail volatil pour attirer le Phytoseiulus persimilis, un acarien aussi vorace, mais prédateur de ses semblables herbivores, qu’il dévore gloutonnement. Lorsque la Diabrotica virgifera, une chrysomèle, déposait ses larves près des racines de vieilles variétés de maïs, celles-ci secrétaient de la « cariophylline » pour attirer les mématodes, de petits vers très friands de ces larves qui, en les dévorant, libéraient en même temps les plants de son parasite. Voulant mieux faire que la nature pour combattre la Diabrotica, l’ignorant et prétentieux Homo Sapiens, a dépensé des sommes astronomiques dans la production massive de pesticides nuisibles à l’environnement, pour ensuite être contraint de créer une plante transgénique afin de restituer au maïs cette caractéristique innée.

Qu’elles soient hermaphrodites, monoïques ou dioïques, les plantes doivent toutes compter sur des transporteurs fiables pour transférer le pollen d’une anthère à un stigmate. Celles qui s’en remettent au vent sont appelés « anémophiles » et doivent produire un nombre considérable de fleurs qui libèrent dans l’air d’immenses quantités de pollen. Les plantes plus modernes se fient à des transporteurs plus précis et efficaces, soient des animaux, le plus souvent des insectes en charge de la pollinisation entomophile, mais les transporteurs de certaines plantes peuvent être des oiseaux, des reptiles, des chauves-souris…

Généralement, le processus se déroule de manière à ce que l’animal se pose sur une fleur pour manger ou recueillir le nectar, se couvrant ainsi du pollen qu’il transportera ensuite sur une autre fleur de la même espèce. Les insectes s’en tiennent toute la journée à l’espèce qu’ils ont choisie en premier. Ce facteur fondamental de la pollinisation et de la reproduction des plantes se nomme la « fidélité du butinage ». Le végétal obtient donc des animaux une fidélité assurant la survie de son espèce.

Pollinisation d’une fleur d’Échinacée & Ophrys abeille

Lorsque des larves de chenille du Sphinx du tabac éclosent sur les feuilles d’un plant de tabac sauvage et commencent à les manger, le plant fait pousser des trichomes, petits poils fins chargés de sucs dont raffolent les petites chenilles. Sauf que lorsqu’elles mangent cette substance, les chenilles dispensent une odeur distinctive, qui attire des punaises et des fourmis qui, elles, aiment bien déguster des larves ! Et voilà la plante débarrassée de ses assaillants !

Stratégies du tabac sauvage contre les larves de chenille de Monduca sexta

Mais alors, le problème s’aggrave pour notre plant de tabac si futé ! Ces chenilles qui la grignotaient étaient de futurs papillons Sphinx, pollinisateurs du tabac sauvage. Comment peut-il s’en sortir ? Il change de stratagème, se métamorphosant en quelques jours : ses fleurs se mettent à croître le jour plutôt que la nuit, son parfum change, son aspect se transforme. Résultat : il n’attire plus les papillons Sphinx, dont les larves le dévoraient, mais plutôt des pollinisateurs diurnes, comme les colibris !

Le lupin très « honnête » dans sa stratégie de pollinisation, teint en bleu les pétales déjà visitées, avertissant ainsi les insectes qu’elles ne contiennent plus de nectar et qu’ils devront chercher ailleurs. Par contre, les fleurs de l’ophrys abeille, une orchidée terrestre européenne, trompent certains hyménoptères mâles par un triple mimétisme. Elles imitent la forme et les couleurs de leurs femelles, leurs épidermes velus et même leurs phéromones, poussant l’insecte mâle à copuler avec la fleur, qui lui colle alors de petites poches remplies de pollen, qu’il se verra ensuite contraint de déposer sur une autre fleur.

Le réseau postal végétal ne connaît pas de grèves ni de retards, car les plantes utilisent les fruits pour convaincre les animaux de transporter leurs graines. En propageant leurs germes loin de la plante-mère, elles s’assurent de ne pas avoir à partager avec leurs rejetons les ressources limitées d’un espace restreint.

Le cerisier, par exemple, produit des fleurs blanches pour attirer les abeilles au moment de la pollinisation. Le fruit immature reste vert et donc bien dissimulé dans les feuilles. Les cerises rougissent parvenues à maturation seulement. Si les abeilles ne perçoivent pas le rouge, cette teinte séduit par contre les oiseaux, dont les selles livreront plus tard un excellent fertilisant renfermant les graines. Et la vie continue, de loin en loin…

  

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