Observation des plantes médicinales

Sylvie Mireault, naturopathe-herboriste

L’observation de la forme, des liquides sécrétés, de la couleur et du mode de vie des plantes constituent depuis très longtemps un point de départ dans la découverte des vertus thérapeutiques des plantes qui nous entourent. La théorie des signatures fut popularisée par Paracelse (1493-1541), qui postulait que toute plante porte avec elle un signe ou signature permettant de juger de ses propriétés curatives, comme si elle semblait vouloir nous révéler ses pouvoirs de guérison par son apparence…

Selon cette théorie, le grain du café par exemple, en raison du sillon qui le divise en deux, évoquerait les 2 hémisphères du cerveau : on en a déduit que le café pouvait stimuler les fonctions cérébrales ! La Sanguinaire indiquait, avec son latex de couleur rouge, qu’elle pouvait servir à soigner les maladies du sang, comme l’hémoptysie, un crachement de sang attribué à la tuberculose. On sait depuis que cette plante est vomitive (sauf à dose infime) et se révèle toxique à fortes doses !

Évidemment cette théorie peu scientifique est aujourd’hui dépassée et les nouvelles connaissances des principaux constituants, nous orientent et nous confortent dans l’usage adéquat et sécuritaire des plantes médicinales. Par exemple, l’acide salicylique du Saule blanc (Salix alba) possède des propriétés analgésiques et anti-inflammatoires. On connaît bien l’aspirine, dérivé de l’acide salicylique, un médicament de synthèse très populaire mis au point en 1899.

Évidemment, l’aspect extérieur des plantes ne nous indique pas nécessairement ses propriétés, mais une fine observation peut nous donner de bons indices et nous permet une meilleure identification. Elle facilite grandement la mémorisation nécessaire à l’étude de l’herboristerie. Ainsi, même si elle est aujourd’hui obsolète ou préscientifique, la théorie des signatures n’était peut-être pas sans aucun fondement…

La Grande consoude ou herbe à la coupure (Symphytum officinale) contient de l’allantoïne, un cicatrisant longtemps utilisé pour soigner les blessures de guerre.  À cause de la présence de tanins et de mucilages, l’huile ou la pommade de feuilles de Grande consoude atténue la gravité des entorses et des contusions et accélère la consolidation des fractures. Toutefois, la Grande consoude contient aussi des alcaloïdes pyrrolizidiniques, qui, isolément, sont très toxiques pour le foie. Bien qu’à l’état résiduel, dans la partie supérieure de la plante séchée, la concentration d’alcaloïdes est plus élevée dans la racine, aussi, on ne la recommande pas par voie interne. Cependant, si vous cultivez cette plante, vous remarquerez que même un minuscule fragment de la racine qui reste en terre, suffit à la plante pour se regénérer. La Grande consoude se cicatrise elle-même très facilement, d’où son nom d’herbe à la coupure, ce que les Anciens avaient bien sûr observé. Le comportement des plantes demeure encore aussi fascinant que révélateur…

L’Asclépiade, dans le Canadensium plantarum historia

Samuel de Champlain demanda à l’apothicaire Louis Hébert d’étudier une plante intrigante qu’il nomme l’Herbe à la ouate, pour l’expédier en France. Son nom scientifique de l’époque est Apocynum majus. On retrouve son illustration dans l’ouvrage de Cornuti, le Canadensium plantarum historia paru en 1635. L’auteur y remarque l’enveloppe membraneuse, dont les graines se recouvrent d’un long duvet soyeux. Les Amérindiens l’utilisaient déjà pour soigner l’asthme. L’asclépiade se révéla efficace pour soulager diverses affections respiratoires. Marie-Victorin l’identifiera comme étant l’Asclépiade commune (Asclepias syriaca). La plante est maintenant commercialisée, car la soie d’Asclépiade, avec ses propriétés isolantes, imperméables et absorbantes, sert maintenant à fabriquer des manteaux très chauds. Les recherches se poursuivent d’ailleurs pour confirmer ses applications thérapeutiques…

Le Pissenlit (Taraxacum officinale) : avec ses fleurs jaunes comme la bile, était indiqué pour le traitement des troubles hépatiques, selon la théorie des humeurs. Le botaniste allemand Jérôme Bock (1498-1554) fut le premier à parler des propriétés diurétiques de la plante, d’où son nom de « pisse-en-lit ». Le médecin allemand Carl Arnold Kortum (1745-1825) confirme son efficacité dans le traitement des maladies du foie. La réputation du pissenlit ne s’est jamais démentie depuis ce temps. La feuille de pissenlit, riche en flavonoïdes, potassium et coumarines, stimule le système lymphatique et favorise l’élimination de l’eau en cas de rétention hydrique et de cellulite. La racine renferme de l’inuline, des principes amers, des acides phénols et des stérols aidant les reins et le foie à éliminer les toxines.

La Verge d’or (Solidago canadensis) : avec son nom évocateur, traite l’inflammation, les cystites et autres infections des voies urinaires.  La Verge d’or contient des tanins aux vertus astringentes, des flavonoïdes, des acides phénols… Ses saponosides triterpéniques permettent de combattre le champignon Candida, responsable des infections de la vulve et du vagin. Elle n’est cependant pas recommandée pendant la grossesse…

La Camomille noble (Chamaemelum nobile) possède des propriétés antispasmodiques, digestives et anti-inflammatoires, grâce à ses polyphénols et ses esters. Ces derniers confèrent à cette plante sa capacité à calmer le stress et l’anxiété et favorise le sommeil. On remarquera ses longues tiges couchées et ses feuilles très fines et découpées rappelant le système nerveux. Le Pavot de Californie (Eschscholtzia californica) avec sa longue tige souple, contient un latex aux propriétés sédatives, analgésiques et antispasmodiques. Cette plante possède une tige souple, couchée puis dressée, nous rappelant une démarche titubante due à l’ivresse ou à l’endormissement…

Pavot de Californie Escholtzia californica

La Pulmonaire (Pulmonaria officinalis) : On pourrait se moquer de l’association désuète de l’aspect des feuilles de cette plante, évoquant des alvéoles pulmonaires, et son utilisation comme remède des maladies pulmonaires. Cependant, on considère aujourd’hui que ses constituants, dont ses mucilages, ses vitamines et minéraux, en font un tonique pulmonaire adapté au traitement de la bronchite chronique.

On pourrait encore faire beaucoup de rapprochements entre l’aspect physique de certaines plantes et leurs usages thérapeutiques…

Par exemple, l’Angélique (Angelica archangelica), avec ses fleurs gigantesques de 2 mètres de haut, s’avère un fortifiant, apaisant les affections pulmonaires, facilitant la digestion et stimulant la circulation du sang vers les vaisseaux capillaires. La Grande bardane (Arctium lappa), avec ses capitules piquants, semble se défendre contre des agressions extérieures ; ses graines aident à évacuer des toxines, la racine traite les problèmes dermatologiques et s’utilise souvent avec le pissenlit…

Et pour le temps des fêtes, on peut profiter de l’occasion pour humer les sapins de Noël, dont l’oléorésine, antiseptique et stimulante, soigne nos problèmes respiratoires et nous donnent du tonus pendant le long hiver.

Bonne et heureuse année en santé !

@ L’Académie HerbHoliste 2022